
SWAMP FEELINGS
Before they began collaborating on this show, Camille and Jimmy's work shared not just certain colors, textures, and contours, but also an attention to the body's vulnerability and its capacity to inflict harm. Both artists attend to the spaces just above and just under the skin.
[My skin feels like botox, semen, and glue traps: the remnants of the world cling to it.]
(Everything settles moods such as the remains of used shampoo) As a guiding metaphor for their work together here, they exploit the figure of the parasite: life forms that move through multiple hosts, inhabiting them unwillingly and sometimes harmfully, while also offering possibilities for change, adaptation or support.
[I mean that from the beginning, the mourning of the potentials is impossible and that I no longer really know if the dead things reside in me or if I am the parasite of them.]
(Imagine. It's a Goa'uld symbiote bringing Marie Antoinette back to life. What would they be doing here?)
My hope for this collaboration is that their works thoroughly contaminate one another. I want the boundaries between their practices to become porous and leaky, so that forms and desires can migrate across works, get dislodged and take up new residence, blurring picture and sculpture.
[it's the after desert]
(Apocalypso)
What happens when two artists lose their own coordinates inside the others' work? What can they find there?
— Russell Perkins (C) [J]
je suis resté perdu
je crois pendant très longtemps
en vérité j’aimais la perdition
son goût de poussière
& de champignon
son odeur de bois mort
de fumée noire
& de soleil de plomb
mais je crois que j’ai fini
par prendre peur
et que c’est pour ça
que tu m’es apparu
non pour me ramener vers la lumière
mais pour m’aider à disparaître
comme disparaissent mouches & phalènes
dans les reliefs poudreux
de ton pays sans nom
tu m’as dit je vais te guider
mais avant cela je voudrais t’offrir
l’armure de foi qu’on m’a donné jadis
lorsque comme toi
je m’apprêtais à passer le seuil
derrière lequel
nulle certitude
ne vient assurer les pas
de cellui qui chemine à genoux
presque en rampant
vers les paysages gluants
du pays le plus tendre du monde
tu m’as donné l’armure de foi
et elle formait comme une main
amicale et chaude
contre ma peau
j’ai vite compris cependant
que ce n’était pas une armure ordinaire
que cellui qui la portait
se trouvait tout à la fois
surprotégé·e & surexposé·e
comme si par la peau devenue poreuse
toutes les eaux
de toutes les sources
de tous les mondes
venaient s’écouler
tu m’as demandé d’avoir le courage
de ne pas chercher à tout maîtriser
et ce n’est que bien plus tard
que j’ai compris
la puissance illimitée
de ta radicale
passivité
la route a commencé sans même
que je m’en rende compte
je marchais seul·e
mais j’avais l’étrange impression
de te sentir à mes côtés
comme si ton souffle
ne cessait de se mêler au mien
à la manière des plantes séchées
dont les odeurs se rassemblent
quand on les brûle
chaque soir je pleurais
de fatigue
mais je savais que mes larmes
étaient précieuses
qu’elles me préparaient
a entrer dans la gluance
scintillante
du marécage
et presque toutes les nuits
je me suis souvenu en rêve
de cette époque pas si lointaine
où je pensais
qu’il fallait détruire ce monde mouillé
& assécher le marais
dans lequel je me représentais
nos existences s’enfoncer & pourrir
aujourd’hui je crois comprendre enfin
la grande hospitalité du marais sans nom
je repense souvent aux histoires
que tu me racontais
histoires de corps qui fondent
et qui se mélangent
histoires de salives humaines
devenues baves de crapauds
de limaces d’escargots merveilleux
histoires de choses tellement molles
que nul pouvoir ne parvient à les contraindre
histoires oui de gluance & de molesse
& de formes tellement souples
tellement plastiques
qu’à la fin toutes les vies
vont & viennent
& s’enchevêtrent
& se chevauchent mutuellement
comme font les formes qui s’aiment
sous les mousses de la conscience
je n’ai pas toutes les réponses
et à vrai dire je ne les cherche pas
je n’aime rien d’autre
que me laisser guider par ta voix
car je sais que tu sais que je sais
que le monde là-bas
au cœur du marécage
est celui pour lequel
je me bats
et de même je sais que tu sais que je sais
que ma voix est ta voix
puisque tout se retourne
se transforme et s’intervertit
dans les orifices tendrement dilatés
de ce monde tellement mou
qu’on pourrait en pleurer
c’est une guerre sans doute
et nous l’avons toujours su
la femme dans le parc
te l’avait bien dit
quand elle a pris ta tête
entre ses mains
pour t’encourager à mener
la guerre pas comme les autres
qui seule pouvait nous sauver
aujourd’hui je dois le dire
j’ai la guerre plus gluante que jamais
mes poings sont toujours noirs
mes griffes toujours acérées
mes yeux toujours sécrétant
les larmes les plus salées
mais quelque chose
dans mon ventre
est en train de changer
quelque chose aussi peut-être
dans ma tête
et à l’intérieur de mes pieds
quelque chose dans mes mains
sous ma poitrine
et en chaque point de mon corps
oui quelque chose est en train de changer
la guerre toujours la guerre
plus gluante que jamais
les mains qui tracent
dans le ciel et au sol
les mêmes lettres que toujours
pour toujours aiguiser
l’organe secret
qui en nous préside
à la mollesse
à la gluance
à la dissolution
& peut-être surtout
à la destruction
de ce qui nous empêche
de finalement fondre
avec celleux auxquel·le·s
nous sommes attachée·e·s
tu mas dit que j’y étais presque
que dans quelque jours ce serait bon
que j’allais bientôt m’enfoncer
comme une épine
au cœur du marécage
à vrai dire je n’avais pas peur
sous mon armure de foi
j’avais le sentiment
d’être de la même couleur
que le marais lui-même
et surtout je savais
que je ne serais pas seul·e
que nous serions des milliers
peut-être des millions
peut-être même plus encore
à nous enfoncer comme des épines
dans le cœur obscur du marais
je me suis souvenu d’un jour
très heureux de ma vie
où j’avais fumé des plantes délicieuses
sur la plage avec un ami
et où ce dernier avait eu le sentiment
très précis de fondre en moi
et moi en lui
il m’avait partagé ce sentiment
comme si finalement
nous n’étions que deux ingrédients
particulièrement solubles
en train de se transmuter mutuellement
dans une marmite
bouillonnante
pleine de soupe
ou de potion
je ressens quelque chose de semblable
à l’heure où je m’approche
dangeureusement
de l’endroit le plus tendre
du monde
c’est comme si j’avais toujours eu l’intuition
qu’un tel lieu existait
et que nous finirions
par nous y retrouver
lui & moi & celleux qui comme nous
brûlent d’impatience
d’être suffisament liquide
pour pouvoir disparaître
dans la terre et partout
les glaives dans ma tête
continuent de s’entrechoquer
la guerre est gluante oui
et d’une certaine manière
elle devra être
éternellement menée
puisqu’il n’y a pas de salut
mais seulement des manières
de vivre en commun
et de lutter de même
tu m’as dit que j’y étais presque
mais qu’il était encore temps de
rebrousser chemin
non par peur du centre
mais pour le plaisir
de retraverser le marais
main dans la main
de repasser le portail
& de retrouver de l’autre côté
le monde d’où nous venons
non pas pour nous y établir définitivement
mais au contraire afin de parler du marais
à nos ami·e·s
en espérant très fort
que naisse dans leur cœur
le désir de s’y aventurer à leur tour
je t’ai demandé si c’était la raison pour laquelle
tu étais venu me chercher
tu m’as dit que c’était possible
que ça faisait du bien
de raconter cette histoire de marais
pour aider les autres et s’aider soi-même
à se risquer dans les interstices du monde institué
là où il fait sombre
et où les choses devenues gluantes
apprennent à chanter
je comprenais parfaitement
de quoi tu voulais parler
mais pour le moment j’avais envie
de m’enfoncer encore
dans le paysage noir et sans nom
je voulais voir le centre et ressentir
ne serait-ce qu’un instant
la liquéfaction promise
de ce qu’hier encore
j’appelais « ma vie »
mais qui désormais
ne m’appartenait plus vraiment
puisque trop molle
pour se revendiquer
d’une quelconque identité
et trop joyeusement féroce
pour être possédée
à un moment
le paysage a commencé à changer
des sortes de fleurs gluantes
sortaient de l’eau poisseuse
en milliers de petits points colorés
les troncs d’arbres pourrissants
étaient recouverts de mousses épaisses
tantôt grises tantôt vertes
& presque fluorescentes
par endroits de petits cercles de pierre
délimitaient des feux
dont les braises rougeoyantes
finissaient par disparaître dans
les bourrelets boueux du marais
par endroits
de petits animaux semblaient dormir
sur les tapis de mousses
et s’exposer du même coup
à la chaleur des feux
et aux rayons des astres
tu m’expliquas que le marécage
était loin d’être inoffensif
qu’il fallait se comporter comme lui
se rallier à sa suprême molesse
à son extrême gluance
à sa radicale passivité
pour pouvoir y évoluer
sans encombres
celleux qui s’agitaient trop
ou qui pire encore tentaient
de l’aménager
(comme trop souvent
font les humains)
finissaient englouti·e·s
par la vase
et dévoré·e·s
par les petites bêtes
qui par milliers y pullulent
je me souviens de toi me disant
de ne pas m’en faire
de seulement m’en remettre
aux sensations dans mon corps
et à l’obscurité qui partout
réclamait son dû
mais à vrai dire
je n’étais pas en proie
à quelque inquiétude que ce soit
au contraire je sentais
des choses chaudes
s’agiter dans mon ventre
et sous mon sternum
et c’était comme si
la vase sous mes pieds
était remontée en moi
sous forme de magma
très tendre et très
volcanique
je distinguais de moins en moins
l’écart qui séparait ma vie
des autres vies en présence
les fleurs gluantes poussaient
désormais sur mes mains
et mes cuisses et mes joues
étaient pour ainsi dire
tapissées de lichens
très doux aux couleurs
merveilleusement apaisantes
le marais était toujours le même
mais les verts et les gris
s’étaient mis à scintiller
comme si tout était recouvert
de minuscules diamants
qui s’amuseraient à projeter autour d’eux
le spectre complet de la lumière
libérée
tu as vu que j’étais traversé
par des émotions très ancienne
et j’eus l’impression que tu lisais
dans mes pensée
quand tu affirmas que
toutes les larmes
de toutes les créatures
convergaient en ce lieu
où nous nous trouvions
& qu’alors il fallait considérer le marais
comme un écosystème obscur
engendré par un déluge d’émotions
que c’était le lieu le plus paisible
& le plus incontrôlable qui soit
que partout dans le monde
depuis la nuit des temps
on avait parlé de lui
dans toutes sortes de poèmes
& de prophéties
qu’on s’était égaré parfois
en faisant de lui
un enfer ou un paradis
alors qu’il n’est en réalité
ni l’un ni l’autre
puisqu’absolument réfractaire
à toute forme de binarité
que c’était seulement une terre
irriguée par des larmes
et qu’il fallait y croire
car sa survie en dépendait
que c’était ça
ni plus ni moins
que le secret du marécage
le lieu des larmes
et des cœurs battants
entre temps je m’étais allongé sur la mousse
entre deux cercles de feu
et tout près d’une famille de grenouilles
qui semblaient prendre le thé
avec une sorte de mangouste
au pelage mordoré
c’était déjà le soir
et la lune semblait presque pleine
j’enlevais mon tee-shirt pour m’offrir à elle
en guise de remerciement
pour ce voyage visqueux
à travers le marais enchanté
ses rayons glissaient sur ma peau
comme les plus douces
des caresses
à l’instant où je me sentis
glisser dans le sommeil
j’eus la certitude d’entendre la lune et le marais
me murmurer de concert
qu’il n’y avait ni commencement ni fin
mais seulement des affects à rejouer
des luttes à mener
& des promesses à tenir
dans l’infinie romance
de la matière
mouvante

@7orenzi @1saaga
@esuna_astera


Color Atlas Of ENT Diagnosis
